dimanche 2 janvier 2011

Débauches païennes en Arcadie

À Gérald


Danse bacchique, par l'admirable Bouguereau

La fête du passage à la nouvelle année fut intensément ressentie par l'auteur de ces lignes comme une cérémonie païenne, mythique, extatique. C'était bon. C'était à la limite de la légalité, à la limite du surnaturel.

(Est-il besoin de rappeler qu'un des groupes rock mythique s'appelle Les Païens? Au coeur de cette région loyaliste et puritaine, s'expriment des pulsions archaïques, vitales.)


Mes lèvres sont encore irritées de toutes ces bouches offertes à baiser, de toutes ces nourritures terrestres que la nuit (obscure et éthylique) rendait plus vives, rendait plus salées.

Bacchanales au Minotaure, par Picasso

Le lendemain, ou plutôt après quelques heures de sommeil, le doute s'insinue quand même; jusqu'où pouvons-nous aller dans les réminiscences d'un âge d'or flou, flou comme les orientations sexuelles, les corps en extase sur la piste de danse, les lueurs dans les regards ensauvagés de plaisir, et le nombre des consommations bues? Flou fou feu.


J'aurais voulu connaître les belles années du Kacho (le fameux bar étudiant de l'Université de Moncton, immortalisé par le film de Paul Bossé). Il s'en est fallu de peu que je puisse avoir la chance de rencontrer Gérald avant son décès... (À chaque génération ses repères culturels, c'est-à-dire : cultuels.)

La Décadence romaine vue par Couture

Mais alors que résonnent encore en moi les beats et les paroles qui frissonnèrent hier sur toutes surfaces à la Botsford Station, que les flashs de folies m'assaillent par spasmes, que ma peau se souvient des chairs palpées, des baisers reçus, des blessures superficielles et des objets incongrus qui l'ornèrent à différents moments (un collier de fleurs, un casque de construction, un masque de carnaval, une flûte de bois, un chapeau en forme de poterie de Guy Duguay, etc.), je pense à l'Arcadie, je pense à cette contrée mythique qui est toujours le déjà-disparu moment présent, moment de délassement, d'outrances ou d'outrages, je pense à l'idée d'âge d'or, cet éternel retour du sentiment d'avoir un jour atteint le bonheur sur terre, et je me dis que l'Acadie (dont la légende veut que le nom vienne de la déformation du toponyme de la terre natale de Zeus), cette Acadie toujours-déjà perdue-retrouvée, m'est l'Arcadie future.

L'enchevêtrement multidimensionnel : 1- des corps, 2 - des générations, et donc des plaisirs, des souvenirs, 3- des histoires, mi-légendaires, mi-réelles, ou supposées telles, qui composent à tout moment, mais surtout dans les moments charnières comme hier soir, mon Acadie/Arcadie.

Bergers d'Arcadie, par Jean Cocteau.

Entre la morale nécessaire au bon déroulement du réel, de ses causes et de ses effets (pudeur et respect), et la démesure religieuse des actes de profanation que de telles réjouissances impliquent, je navigue vers ma terre natale, ma terre : promise.


Bonne et sensuelle année 2011.

4 commentaires:

  1. Te lire et revivre cette soirée enivrante, enivrée et envoûtante. Merci pour tes mots.

    RépondreSupprimer
  2. Sensuelle année à toi. Te retrouver en ce début d'année est un bon présage.

    RépondreSupprimer
  3. Je repassais par hasard sur ton défunt blog Basta! Bast hier soir. Je fus surpris de constater que tu avais brisé ton silence, et plus encore d'apprendre que tu avais migré virtuellement et géographiquement vers de nouvelles terres. Maintenant je vois que l'érudition et la richesse de tes textes t'ont suivis dans tes valises. Je repasserai.

    L'ex-auteur d'une "Vivisection pseudopathologique"

    RépondreSupprimer
  4. Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.

    RépondreSupprimer

Baille-y ça!