vendredi 31 décembre 2010

Approches de Gérald. - 1 -

Pascal Poirier
« Je fais le voyage sur le pouce, une éducation en soi si l'on s'intéresse à la généalogie. Cela commence invariablement par un 'D'à-y'où ce que tu viens?' Je dis que je suis natif de Bouctouche. On me demande alors si je connais un tel de ce village, marié avec une telle. À travers ces défrichages de parenté, j'apprends, par exemple, qu'un gars de Bouctouche est marié avec une fille de Shippagan, qui se trouve être la cousine de l'oncle du chauffeur qui habite à Néguac. L'expérience m'arrive neuf fois sur dix sur la route entre Moncton et Caraquet. Je ne sais pas si je dois rire de ce réseau organique de parenté sur lequel on trébuche en égratignant la surface ou m'inquiéter du phénomène des mariages consanguins qui ont peuplé l'Acadie. N'empêche que je finis toujours par me rendre à destination. » (Leblanc, Gérald. Moncton Mantra, p. 134)

J'approche Gérald Leblanc, je l'observe de loin, je m'approche de sa nuque, je lis par-dessus son épaule, j'écoute sa respiration posthume.

Première constation : la ville est pleine de l'absence (récente et lointaine) de Gérald. On le connaissait. On l'admire sans l'avoir lu. On le vénère en silence, surtout peut-être pour sa personnalité généreuse. Pour son amphitryonisme virtuel : il recevait tout le monde, il accueillait tout le monde, les jeunes et les moins jeunes, à Moncton, dans le Sud-Est, comme chez lui, comme on accueille à chaque fois une nouvelle naissance, à chaque saison comme une renaissance acadienne. Sa générosité, sa grandeur morale et son appui public à toute performance culturelle étaient célèbres.


Gérald 


Deuxième constatation : je me perds moi-même, avec bonheur, dans les réseaux complexes de parenté en Acadie. Ça me donne le vertige, quand je commence à perdre le fil, et quand je me rends compte qu'ici, potentiellement, tout le monde se connait, tout le monde est potentiellement parent. Les branches se coupent et se recoupent sans cesse, même chez les Acadiens des Quatre régions et des Cadies lointaines, du Canada et des États-Unis. Hier soir, j'étais tellement épuisé de parler chiac, et d'avoir écouté avidement Angela B. parler des générations précédant la sienne, avec ce Pascal Poirier dont je suis désormais apparenté par alliance car il était le grand-oncle de la mère d'Angela... Et je me suis endormi en rêvant d'une route étrange, en partie souterraine, en partie se déroulant sur un pont. J'y marchais avec des amours passés.

3 commentaires:

  1. Me considérant chanceux de me faire appelé ''amie'' par Gérald, je témoinge que tu catch bien l'essence de Gérald: une amour folle de l'humanité.
    Gerry, c'était pour moi, pas un vieux hippy, mais un vraie ''Beat''. Il n'était pas un explorateur, comme ceux de sa génération, assis perpetuellement sur l'autobus ''Further''. Plustôt, comme les Beats de la génération précédente, son oeuvre, et sa vie, a été une célébration de la Beauté, la béatitude et parfois, une contestation contre la Noirceur qui l'obscure.
    Bing

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  2. Merci! C'est un aspect qui me rejoint particulièrement, quand je lis Gérald, ou quand on m'en parle : son insatiable célébration de la créativité comme creuset de la Beauté. J'aime le mot : béatitude. J'aime ce qu'il transporte comme un aura mystique et pourtant concret, réel.

    Merci de me lire!!!

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Baille-y ça!