Pascal Poirier |
J'approche Gérald Leblanc, je l'observe de loin, je m'approche de sa nuque, je lis par-dessus son épaule, j'écoute sa respiration posthume.
Première constation : la ville est pleine de l'absence (récente et lointaine) de Gérald. On le connaissait. On l'admire sans l'avoir lu. On le vénère en silence, surtout peut-être pour sa personnalité généreuse. Pour son amphitryonisme virtuel : il recevait tout le monde, il accueillait tout le monde, les jeunes et les moins jeunes, à Moncton, dans le Sud-Est, comme chez lui, comme on accueille à chaque fois une nouvelle naissance, à chaque saison comme une renaissance acadienne. Sa générosité, sa grandeur morale et son appui public à toute performance culturelle étaient célèbres.
Gérald |
Deuxième constatation : je me perds moi-même, avec bonheur, dans les réseaux complexes de parenté en Acadie. Ça me donne le vertige, quand je commence à perdre le fil, et quand je me rends compte qu'ici, potentiellement, tout le monde se connait, tout le monde est potentiellement parent. Les branches se coupent et se recoupent sans cesse, même chez les Acadiens des Quatre régions et des Cadies lointaines, du Canada et des États-Unis. Hier soir, j'étais tellement épuisé de parler chiac, et d'avoir écouté avidement Angela B. parler des générations précédant la sienne, avec ce Pascal Poirier dont je suis désormais apparenté par alliance car il était le grand-oncle de la mère d'Angela... Et je me suis endormi en rêvant d'une route étrange, en partie souterraine, en partie se déroulant sur un pont. J'y marchais avec des amours passés.