vendredi 10 décembre 2010

La Charrette des mots

J'emprunte ce titre à Ferron, le grand Ferron, mon ami Ferron. C'était un vieux monsieur nationaliste (entendre : séparatiste), médecin patenté, écrivain classicisant, qui vitupérait parfois, n'aimait pas Moncton mais pensait le plus grand bien d'Antonine Maillet. Adieu, Ferron!

L'éminence de la grande corne.


Place à une charrette virtuelle, donc. Six bœufs, une frame de bois, des rambardes où les déportés emportés s'accrochent pour revenir, et une ombre. Une ombre qui étend son plasma sur les identités, sur les espoirs et les liens de parenté. Par-delà l'Acadie : parler français ailleurs qu'en Frônce (prononciation bouctouchienne), qu'en pays de Québec (où rien ne doit changer...), mais surtout : en pays connu, en pays fractionné détissé métissé bouleversé raccordé.

En pays minoritaire. Éloge des minorités, écrivais-je l'an dernier ( et ). C'était avant de choisir TOUTES les minorités, et de me les approprier. D'en faire ouvertement : partie.

Pas Cormier, pas LeBlanc, pas Vigneault, donc. Pas issu d'une des 70 tribus perdues d'Acadie. Je n'en ai que faire, de généalogies étriquées. Je suis Bast à moi. Basta : moi. Bast à Bast à Bast à Bast à Bast.... depuis des milliers d'années. Et pour les siècles des siècles... basta!

MAIS.



Le mascaret, image du Musée McCord

J'ai dans le coeur la langue chantante de Cap-Pelé, de Bouctouche et du comté de Kent, de Baie-Sainte-Mâââârie, d'Edmundston, de Chéticamp. D'ailleurs, itou. D'un peu partout. De partout et de quelque part. Chemins qui mènent : à moi.

Moncton comme port d'attache. J'enfourche le mascaret, vous croyez? Ben non. Je divague plutôt dans ma tête. Un peu cotchineux, donc. Un peu tricheur. Un peu voleur. Voleur de feu! Et voleur de lieux. J'en fis ma patrie, sans demander la permission à la SNA, ni à la SSJB. Je n'en ai que faire des sociétés privées/publiques, des associations et autres lobbys, je n'en ai que faire de vos brevets, de vos passeports et de vos honneurs. Basta! Je suis chez moi partout, dans le labyrinthe du monde. Mes concitoyens sont Borges, sont Yourcenar, sont Maillet, sont Tremblay, sont Khayyam, sont Gracq, sont Fuentes, sont Char, et sont Huston. Et sont TOI : lectorat.



Dans le labyrinthe du monde, disais-je. Parfois, ça aide d'avoir un véhicule. Ça va plus vite. Mais je n'ai pas de permis de conduire, et je préfère la lenteur toute relative. Une charrette, donc. Pour ne pas m'épuiser, mais aussi pour vous inviter à me joindre, et faire un bout de chemin ensemble. Jusqu'aux marais de Tantramar. Jusqu'au silence.

La vue est belle (surtout celle de l'esprit) (surtout celle qui passe par celle des autres, artistes et intellectuels). La vie est belle.


On s'ouèrra!

Mme Maillet

1 commentaire:

  1. Ton précédent chez-toi était noir et triste, criant de l'être qui se cherche, mais il semblerait que tu te sois trouvé mon ami; tu es chez toi partout. Tu pues le bonheur et ça fait du bien à lire.

    Une bibliothèque bien garnie que voilà, j'en lirai chaque ligne, chaque coin de page replié, chaque petit caractère caché...

    Merci pour ce retour, c'est vraiment apprécié -xxx-

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Baille-y ça!