Seulement moi, je ne suis pas un scientifique! et je passe beaucoup de temps le soir, la nuit, à observer le ciel, et à reconnaître des constellations. Mes préférées : Orion, les Pléiades, et la Voie Lactée (mais est-ce vraiment une constellation? vous voyez comme je ne suis pas un astronome!). Orion, surtout. Mon poète préféré, René Char, a composé de merveilleux poèmes sur Orion, figure à la fois mythologique du Chasseur, et métaphore du poète en tant qu'il s'inscrit dans un univers naturel rempli de forces mystérieuses, «mystiques».
Je ne sais pas comment écrire ce billet sans commettre plein d'erreurs (erreur sur la personne, faute de goût, maladresse). Trois prénoms qui résonnent dans ma tête comme des petites mélodies pleines d'images, de souvenirs, de tendresse. Et une idée, une peu weird, de les réunir par un trait invisible au firmament de mes idées.
Trois générations de femmes. Trois femmes dont le seul dénominateur commun, je crois, est de s'appeler : Angèle, Angèle et Angela. Et pourtant, je suppute une autre piste qui les relie sans qu'elles ne le sachent, et c'est une certaine façon que j'ai de les admirer. Ces trois femmes magnifiques sont les étoiles de ma ceinture d'Orion. Seule ma vision naïve, seul mon envie et certains processus cognitifs simples me font imaginer une telle chose!
«Éloquence d'Orion
(par René Char)
Tu te ronges d'appartenir à un peuple mangeur de chevaux, esprit et estomac mitoyens. Son bruit se perd dans les avoines rouges de l'événement dépouillé de son grain de pointe. Il te fut prêté de dire une fois à la belle, à la sourcilleuse distance les chants matinaux de la rébellion. Métal rallumé sans cesse de ton chagrin, ils me parvenaient humides d'inclémence et d'amour.
Et à présent si tu avais pouvoir de dire l'aromate de ton monde profond, tu rappellerais l'armoise. Appel au signe vaut défi. Tu t'établirais dans ta page, sur les bords d'un ruisseau, comme l'ambre gris sur le varech échoué; puis, la nuit montée, tu t'éloignerais des habitants insatisfaits, pour un oubli servant d'étoiles. Tu n'entendrais plus geindre tes souliers entrouverts.»
Dans le ciel de ma nuit acadienne, Angèle Cormier, Angèle Arsenault et Angela Bourgeois brillent de mille feux, brillent d'un feu différent mais étrangement apparenté.
Une jeune artiste visuelle aux yeux mélancoliques comme une demoiselle hiératique, préraphaélite. -- J'aime ses yeux. J'aime son visage et l'expression de son visage quand elle sourit, quand elle réfléchit. J'aime ses oeuvres surtout. Et j'aime le hasard quand il me la fait connaître de loin, de loin en loin, dans les rues de la ville et de la vie. --
Une grande auteure compositeure interprète, qui sourit même quand elle a les bleus, même quand elle pleure. Une femme dont la voix sait tirer de moi des éclats de rire, des réflexions pertinentes sur les grandeurs et misères de la vie moderne (et de ses excès). J'aime son intelligence. Et sa générosité. --
Une grande dame âgée mais débordante de vie. Ma grand-mère d'adoption. Petite-nièce de Pascal Poirier, le premier sénateur acadien. Ses histoires de famille me ravissent et son espièglerie me fait littéralement fondre d'amour «filial». Pôle autour duquel s'articule, en l'absence du patriarche, excusé pour cause de disparition prématurée, une famille aux ramifications nombreuses, toutes plus belles les unes que les autres. Merci la vie, de m'avoir donné la chance de connaître de telles gens. --
Vos visages, vos voix, vos oeuvres flottent en permanence quelque part autour de moi, comme une brise qui ne cesse de m'inspirer de l'amour (le mot est trop simple pour la réelle complexité des émotions diverses qu'il recouvre, mais c'est bel et bien la seule façon de parler de vous).
Les métaphores et les approximations aléatoires s'emboîtent, simples comme des archétypes, comme des lieux communs. C'est voulu. C'est mon inconscient qui, en un sens, vous parle directement de ses structures bizarres, de ses raccourcis intimes, de ses rêveries incohérentes.
Étrange comment nous composons, au gré des rencontres, de faramineuses constellations intérieures! Je crois que cette étrangeté, inhérente aux extravagances de l'écriture et de la mémoire, ce réseau complexe d'analogies et de similitudes arbitraires, est une façon d'organiser les différents niveaux du réel, les différentes modalités de l'affection et de l'intersubjectivité.
--- Trois êtres stellaires qui m'auront, chacune à sa façon, un peu par hasard, intellectuellement stimulé et marqué. L'exercice ici conjoncturé à partir d'une simple homonymie ne me paraît pas vain. C'est à une de ces variations sur des expériences (rencontres, généalogies compliquées, coïncidences, arbitraire du mot et de ce qu'il désigne) que je me propose de vous faire découvrir, parfois, dans ce blogue. Expérimenter en poésie, c'est faire ce type d'amalgame presque impossible. Et ma vie, en Acadie, est un poème.
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