C'est avec éblouissement que l'on lit l'extraordinaire ouvrage Le contentieux de l'Acadie (publié chez VLB éditeur, au Québec, mais disponible à la bibliothèque municipale de Moncton) qui rassemble une beauté de textes (de reportages en préfaces, sans oublier les annexes tirées de son oeuvre vaste, ou d'ailleurs), écrits par un de mes écrivains préférés, le bon docteur Ferron.
Oh! Ça a passé proche de mal finir, cette histoire-là, entre Jacques Ferron et l'Acadie. Des malentendus, des mesquineries québécoises, des silences acadiens, des fulgurances et des virulences. Point trop de ces dernières, d'ailleurs. Une chance!

C'est lors de son second tour par chez nous qu'il est confronté à la réalité acadienne, aux réalités acadiennes. C'est en 1966. C'est trop tôt. C'est presque un rendez-vous manqué. Mais son roman : Les Roses sauvages, inspiré par les rues désertes et les policiers fascistes, par les pignons et les jolies maisons de bois du centre-ville (aujourd'hui en voie d'extinction) de Moncton, n'en remportera pas moins le prix France-Québec.
Un troisième voyage, de plaisance, l'amène à Shippagan en 1968, et un peu partout dans la Péninsule. Cette fois-ci, il a un peu peur de déranger, il se taira donc, mais n'en pensera pas moins. Il a sa petite idée, il a des idées nationalistes pour le Québec, mais il laissera désormais l'Acadie à sa «grosse besogne» (comme il dit). Il dit aussi : un invité se tait par politesse.

Il y a la Petite République (le Madawaska), fière et peuplée de Brayons magnifiques, qui basculerait du côté québécois si besoin (politique) était.
Il y a la Côte des Cayens (ainsi nomme-t-il et le Nord et le Nord-Est, puis toute la côte de Néguac jusqu'à Shédiac et Cap-Pelé, avec au «centre», comme un double eldorado dont il chérit la musicalité et la pureté de la langue, Bouctouche et Cocagne).
Quant au pays des Chiacs, qui est Moncton et ses environs, eh bein! encore faudrait-il que ces évanescents francophones cessent de «s'anglaiser», comme il dit. L'Université de Moncton lui apparaît comme une erreur géographique des Acadiens et une erreur stratégique des Anglais («Quoi! Vous les laissez s'instruire! You'll have to learn French, now!» dira-t-il à un chauffeur de taxi un peu mal-à-l'aise...)

La relation complexe et très, très intéressante entre Ferron et l'Acadie du Nouveau-Brunswick recèle de curieuses incompréhensions mutuelles, réciproques... Et des pages très belles, où l'immense auteur chante les louanges d'une jeune auteure : Antonine Maillet!
Tant pour Jacques Ferron que pour ses amis Pierre Perreault et Michel Brault, leur volonté affichée de montrer aux Québécois l'incapacité, l'impossibilité pour les francophones de vivre au Canada (entendre : à l'extérieur du Québec), se verra au moins en partie contrecarrée par la réalité de l'Acadie. Et ces trois créateurs auront eu le mérite, en retour, d'être les témoins des transformations historiques de la société du Nouveau-Brunswick de leur époque.
Le prochain billet parlera de ce que Jacques Ferron a écrit à propos de La Mariecomo de Régis Brun, et vous allez voir, c'est awesome!!!
Oh grand merci, beau Sébastien, pour cette réflexion sur le bon Ferron, comme tu dis. Tu me réconcilie avec, manière de... Et je m'empresse de faire suivre, ou d'essayer en tout cas, ton texte à une amie québécoise, grande admiratrice et lectrice de Ferron. Et si je peux mettre la main dessus, je te refile un film, tourné par un cinéaste et monteur de génie, quasi inconnu, qui a tourné une sorte de film cirque à partir de son amour pour l'écriture de Ferron. On s'en reparle de vive voix à un prochain tournant de ce formidable voyage à huche voix et à diable rencontre.
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